Réenchanter le monde

Marcher pieds nus dans l’herbe humide.

Me baigner dans l’eau glaciale d’un lac de montagne.

Caresser mon chat.

Parler à ma plante verte.

Randonner dans une forêt.

Enlacer un arbre.

En replanter.

Participer au sauvetage des abeilles.

M’extasier face à un coucher de soleil.

Croire aux trolls, aux elfes, et aux licornes.

Autant de pratiques qui peuvent paraître curieuses, étranges, mais qui, en ces temps incertains, ont une véritable raison d’être : se reconnecter avec la nature.

Sentir le contact de l’herbe humide ou du sable chaud sous la plante de mes pieds, de l’eau froide ou de la canicule sur mes épaules… Autant de manières de réveiller mes sens, de me replacer dans un environnement dont je fais partie, de me souvenir qu’il influe sur moi comme j’influe sur lui.

Parler à mon chat, à mon ficus, enlacer le chêne centenaire de la forêt d’à côté, écrire à la Lune. Des actes qui surprendront mes voisins non-initiés, mais qui entretiennent et renforcent mes liens avec les autres espèces animales et végétales avec qui je partage cette petite planète. Et m’aident à lutter contre mon penchant pour l’anthropocentrisme, phénomène culturel à tendance congénitale qui m’amène à considérer que l’homme est au-dessus de tout, et nuit à l’harmonie du Grand Tout.

Installer des ruches sur les toits des immeubles haussmanniens de la capitale, prendre part à des actions de reboisement, de nettoyage des plages, accompagner les bénévoles de l’association Sea Sheperd dans leurs campagnes de sensibilisation. Ou, pour les plus téméraires, dans leurs opérations commando pour assister des bélugas perdus dans les boucles de la Seine ou défendre des baleines pourchassées par des navires japonais en Antarctique. Des actions qui permettent, chacune à sa manière, de participer concrètement au sauvetage du vivant.

Enfin, s’extasier devant un lever de soleil, un paysage, le manteau d’un mammifère, le plumage d’un oiseau, une colonne de fourmis en action. Croire aux farfadets, aux sirènes, aux licornes, aux dragons et aux elfes. Pas parce que ces êtres existent, mais par qu’ils réveillent, entretiennent et nourrissent une vision plus poétique du monde.

Parce que vivre dans une biodiversité en danger est une épreuve par moment douloureuse, que s’y adapter de son mieux demande des efforts, de la rigueur, des sacrifices, et qu’il faut sans cesse trouver des raisons d’avancer, et que la beauté en est une. Celle issue du génie humain comme celle offerte par la nature. Cette beauté qui, pour Pierre Rhabi, est « une nourriture immatérielle absolument indispensable à notre évolution. »

Parce que le jour où tout ira plus mal, survivre ne suffira pas.

Pour exister, il nous faudra continuer à rêver, à bâtir des idéaux, et à nous émerveiller du monde qui nous entoure. Et que, comme le prône Marianne Williamson, auteure américaine spécialisée dans le développement personnel, « créer le monde que nous voulons est bien plus puissant que de détruire celui dont nous ne voulons plus. »

Autant de raisons de réenchanter le regard que je porte sur ce monde qui m’entoure. Pour mieux vivre au quotidien, et jeter les bases sur celui de demain.

 

Pierre-Yves Touzot

 

Pierre-Yves Touzot est réalisateur, romancier et blogueur. Dans ses romans, il invite ses lecteurs à s’interroger sur leur rapport à l’environnement, à se reconnecter à la Nature, une étape indispensable pour lui vers la résolution de nos problèmes écologiques. Depuis plusieurs années, il construit à travers son blog une médiathèque de romans, d’essais, de bandes dessinées, de films, de documentaires, tous consacrés à cette thématique. Pour en savoir plus : www.ecopoetique.blogspot.com

Il a récemment publié Presque libre, coup de cœur de la rédaction Happinez, aux éditions La Trace.

 

Visuel © Aaron Brunhofer / Unsplash

De la fin de l’abondance à la sobriété heureuse…

Cette fois-ci, nous sommes, officiellement, dans la fin de l’abondance.

Un mot signifiant, selon mon Petit Robert : quantité plus que suffisante, profusion. Cette même profusion qui fait tant souffrir notre petite planète.

Que nous enterrions lentement mais profondément l’idée même d’abondance me parait une très bonne nouvelle.

Je m’explique.

Depuis notre entrée dans l’ère industrielle et l’avènement de la société de consommation de masse, nous vivons dans l’idée que tant que l’on peut payer, on peut consommer. Que, quoiqu’il arrive, il y aura assez pour épancher toutes nos soifs, à condition d’avoir les moyens financiers.

Autrement dit, qu’une croissance infinie dans un monde fini est possible.

La fin de l’idée de l’abondance nous inviterait à considérer que peut-être, dorénavant, on ne pourra pas tout acheter, même si nous disposons de moyens illimités. Que nos ressources ne suffiront pas à calmer notre voracité. Que, peut-être, il n’y aura pas assez d’électricité pour tout le monde cet hiver, même pour ceux qui seraient prêts à l’acheter à prix d’or. Et que donc, face à cette possible (probable) pénurie, nous allons collectivement devoir nous montrer moins gourmands, plus raisonnables.

Plus sobres.

Au point de renoncer à la croissance ?

Autrement dit, d’entrer dans une phase de décroissance ?

Décroissance.

À titre personnel, le mot me va très bien.

Mais dès qu’il est prononcé, les dents grincent. Les esprits s’échauffent, les voix s’emportent. Le mot fait peur. Il ne devrait pas. On peut s’engager dans la décroissance en douceur. La mettre en place graduellement, l’expérimenter de manière constructive, organisée, sans pour autant revenir à l’âge de pierre. Ce retour à l’âge de pierre brandi par les adeptes de la croissance infinie comme la menace suprême en cas de changement de paradigme. À les entendre, aucune demi-mesure possible. Pourtant, il ne me parait pas totalement farfelu d’envisager de changer de façon de vivre sans pour autant devoir nous éclairer à la bougie. Contrairement à ce que ses détracteurs prétendent, décroissance ne signifie pas minimalisme forcené.

Il ne s’agit pas se priver de tout, mais de se contenter de moins.

Ok, le mot fait peur.

Changeons-le.

Remplaçons-le par d’autres appellations moins radicales, moins effrayantes.

Simplicité volontaire.

Sobriété heureuse.

Rationalisme.

Ou encore, plus simplement, diminution.

Du nombre de vêtements qui dorment dans nos penderies sans jamais en sortir. D’appareils électroménagers qui ne quittent nos placards de cuisine qu’une fois par an. Du nombre de degrés, la nuit, dans nos chambres à coucher. De mètres carrés de nos habitations. De chevaux dans les moteurs de nos voitures. De tout ce qui est superficiel, inutile dans nos vies. Passer de l’envie au besoin. Pratiquer le troc, l’échange, de biens et de services. Préférer la réparation au remplacement, la récupération au neuf.

L’art de la décroissance douce devrait être enseigné dans les écoles, en alternance avec des cours d’écologie. D’abord parce qu’il s’agirait d’une manière détournée d’enseigner le bon sens. Celui-là même qui sommeille plus ou moins profondément en chacun d’entre nous et que nous utilisons trop peu. Celui-là même qui nous dit qu’une baisse de la consommation de biens matériels aura pour effet mécanique la diminution de nos besoins en matière première, en énergie, pour la fabrication, le transport et le recyclage. Des arguments imparables, qui, si nous les acceptons et les mettons en pratique de manière concrète, agiront comme des remèdes efficaces contre notre éco-anxiété. Autant apprendre à vivre ainsi puisque, sauf miracle, bon gré mal gré, nous n’y échapperons pas.

Une décroissance économique qui pourrait s’accompagner, comme aime à le penser Aurélien Barrau, d’une croissance de bien être, de solidarité et de conscience.

Pierre-Yves Touzot

 

Pierre-Yves Touzot est réalisateur, romancier et blogueur. Dans ses romans, il invite ses lecteurs à s’interroger sur leur rapport à l’environnement, à se reconnecter à la Nature, une étape indispensable pour lui vers la résolution de nos problèmes écologiques. Depuis plusieurs années, il construit à travers son blog une médiathèque de romans, d’essais, de bandes dessinées, de films, de documentaires, tous consacrés à cette thématique. Pour en savoir plus : www.ecopoetique.blogspot.com

Il a récemment publié Presque libre, coup de cœur de la rédaction Happinez, aux éditions La Trace.

 

Photo by sept commercial on Unsplash

Lieux de liens et d’éveil à préserver : les ressourceries et recycleries

Menacées par le greenwashing de certaines marques qui souhaitent rendre leurs produits plus verts qu’ils ne le sont en réalité, ces pionnières de l’économie solidaire possèdent des qualités essentielles qu’on souhaite voir fleurir autour de nous :

* Écolos (pour de vrai)

Grâce à elles, ce sont des dizaines de milliers de tonnes de déchets qui sont sauvés de la poubelle, réparés et remis à neuf tous les ans. Elles organisent aussi des animations éducatives et artistiques pour s’informer et apprendre à agir.

* Inclusives

Avec près de 4 700 emplois dans toute la France, dont 75 % en contrats d’insertion, elles forment des passerelles professionnelles vitales et épaulent des milliers de personnes chaque année.

* Sources de vie

Accueillantes et chaleureuses, elles préservent les liens sociaux et sont parfois le seul commerce de leur commune d’implantation.

Vous aimeriez les aider à perdurer ? Voici quelques idées faciles à mettre en œuvre pour apporter votre pierre à l’édifice :

  • Leur faire don de votre linge, livres, jouets, mobiliers… Contactez-les d’abord pour connaître leurs horaires et modalités de collecte.
  • Faites-y vos achats, on est régulièrement surpris des pépites que recèlent ces cavernes d’Ali Baba.
  • Adhérez à votre ressourcerie locale et parlez d’elle autour de vous !

Pour aller plus loin, il est possible d’initier une collecte collective parmi vos amis, dans votre quartier… ou de devenir bénévole.

Voici la carte interactive des ressourceries & recycleries pour trouver celle près de chez vous, et un guide simple et efficace pour identifier le greenwashing et consommer en pleine conscience.

 

Texte : Justine Massie

Photo : Priscilla du Preez / Unsplash

 

L’essentiel selon Daniel Kieffer

Happinez : Que ne faudrait-il jamais perdre de vue dans une existence humaine ?

Daniel Kieffer : C’est d’abord, je crois, notre quête de sens qui doit guider notre chemin de vie et d’évolution. Il existe un postulat selon lequel nous sommes des âmes incarnées avant d’être des “egos”, ces personnages porteurs de masques bien adaptés, ces sous-personnalités qui font de nous des êtres plus ou moins brillants au plan familial, professionnel, sportif, financier, etc.

Or, les humains, par définition, n’aiment pas trop l’ordre, les lois, les règles, les principes, et pourtant nos sciences – l’astronomie, la biologie, la physique quantique ou l’épigénétique, etc. – nous montrent qu’il existe partout des lois qui organisent la vie de l’univers, du microcosme au macrocosme. Je pense à trois de ces lois : celle de cause à effet, sur laquelle on ne réfléchit jamais assez, et qui est une évidence scientifique analogue à la “loi du karma” en Orient. Il n’y a pas de cause sans conséquence, pas de conséquence sans cause. En clair, surveillons nos actes, nos paroles et nos pensées… Cela va de pair avec une autre merveilleuse loi qui est celle de l’évolution. Tout évolue en effet, tout respire et croît à son rythme dans l’univers. Sans oublier la loi de coresponsabilité qui unit tous les êtres, les règnes et les mondes. On parle aussi de loi de l’enregistrement, indissociable de la loi du Karma.

Le drame est simple : nos egos, nos petits “moi” se sont autoproclamés l’unique réalité, les seuls maîtres à bord dans l’aventure existentielle. Mais c’est confondre notre précieux libre arbitre et… l’anarchie. Ma liberté m’amène-t-elle à verser une goutte d’huile ou un grain de sable dans le grand système ?

Pour nous aider, les orientaux nous invitent volontiers à travailler sur “les trois poisons” qui inhibent ou retardent notre chemin vers le bonheur et l’évolution.

C’est tout d’abord l’ignorance, qui prend racine dans la tête, dans le mental, les pensées. Elle crée les illusions, toutes les croyances erronées, la psychorigidité.

C’est ensuite l’avidité, l’attachement, en lien avec le désir et qui fait de nous des êtres de consommation de biens matériels, d’argent, mais aussi des autres.

C’est aussi, pour finir, tout ce qui rejette : la haine, la répulsion.

Mais comment sortir de ce cercle vicieux où, dans notre état d’ignorance, nous sommes partagés entre le rejet et la possession ? Il y a bien des voies occidentales et orientales, sûrement toutes valables, mais j’aimerais peut-être aujourd’hui reprendre trois principes essentiels à la réflexion.

Le premier est l’impermanence : Oui, dans le monde de la matière, le monde corporel, moléculaire, nous nous transformons à chaque seconde. Tout change aussi dans le monde de l’énergie (électrons, souffle, Prâna…). Tout change également bien entendu au cœur de nos émotions, de nos passions, tous ces mauvais films auxquels on s’accroche de façon répétitive et qui font le romantisme désuet de nos relations. Enfin, tout change en permanence aussi dans nos pensées, tellement fugaces et volatiles…. Tout cela ne devrait-il pas nous permettre de prendre un recul, distancié et plus serein, et de choisir de vivre dans le non-attachement – tout à fait compatible avec l’Amour et la joie inconditionnels ?

La deuxième loi, c’est l’interdépendance entre tout ce qui vit. S’il y a interrelation entre les humains, il y a donc coresponsabilité et forcément une leçon, une invitation à prendre soin de l’autre, parce que prendre soin de l’autre, c’est prendre soin de soi, et réciproquement ! Même chose au niveau de la nature, et l’on ne peut plus se couper aujourd’hui des grandes lois écologiques ou environnementales.

Quant à la troisième clé, elle nous dérange énormément : C’est que rien n’a d’existence propre en soi en dehors de l’ego créateur de ses rêves, de ses mythes, de ses illusions (et c’est la conséquence de l’impermanence).

Alors, est-il trop exigeant de se confronter à ces clés spirituelles et métaphysiques ? Non ! En fait, chacun d’entre nous doit apprendre à déconstruire beaucoup plus qu’à construire. Je suis persuadé que se libérer du connu, comme enseignait le grand Krishnamurti, est une démarche d’auto-psychothérapie quotidienne, de manière à abandonner tout ce qui a créé de nos limites, dans les trois mondes des illusions mentales, des mirages émotionnels ou des attachements sensoriels (Maya pour les yogis). L’idée est de lâcher-prise vis-à-vis à tout cela, car notre noyau spirituel, notre “précieux”, s’il évoque la vacuité alors dont parle le zen, il est surtout plénitude. Nos ressources, nos potentiels divins sont infinis ! Ainsi, cheminer vers son centre, c’est se réaligner entre ciel et terre, et c’est aussi vivre en méditation, en pleine conscience. Le tout est de consacrer courageusement du temps à cette métamorphose, via ce regard (celui du Témoin, du Veilleur intérieur), en quête de la paix inconditionnelle et d’alignement avec l’Âme. Toutes les méditations ont pour point commun de se relier à sa source, au précieux, qu’on l’appelle le Soi, l’Essence ou le Maître intérieur.

Je pourrais conclure en partageant qu’au-delà des croyances, des dogmes, des religions ou des philosophies, il est utile de ramener les choses à des clés aussi simples qu’opératives : qu’est-ce qui me rend meilleur pour moi et pour les autres ? Si je garde cet objectif à l’esprit, je ne peux qu’aller vers un chemin d’évolution et je réalise vite que cela ne peut se faire sans prendre soin des autres. Le Bouddha lui-même disait qu’il ne pourrait être heureux et libre tant qu’un humain ne serait pas éveillé sur terre. Cela veut dire que le service et l’évolution sont les deux faces d’une même pièce : « Servir pour évoluer, et évoluer pour mieux servir », voilà ce que je souhaiterais voir sur mon urne funéraire. C’est la quintessence de tout ce qu’il y a de plus précieux pour moi à ce jour.

Propos recueillis par Nathalie Cohen, Aubry François et Agathe Lebelle

Portrait : © Élodie Daguin

 

Retrouvez, dès le mardi 6 décembre, l’intégralité de l’interview de Daniel Kieffer, dans HAPPINEZ 70, chez tous les marchands de journaux. 

 

 

Éco-anxiété : Survivre aux tempêtes émotionnelles

Le parcours intérieur d’un éco-anxieux est parsemé de turbulences émotionnelles. Avoir un regard objectif sur l’avenir du monde tout en gardant à la fois l’espoir et l’envie d’avancer demande une gymnastique particulière impliquant de savoir gérer des émotions intenses.

Régénératrices parfois.

Douloureuses, parfois aussi.

Le sentiment de culpabilité, par exemple.

Le vivant souffre, des espèces s’éteignent, l’écosystème s’appauvrit, une dégradation globale à laquelle je participe, dont je me sens (en partie) responsable. Ma condition de citoyen occidental, de privilégié de père en fils depuis plusieurs générations, accentue encore cette impression. Disons-le clairement : oui, j’y participe, mais à une échelle infinitésimale. La responsabilité est avant tout collective, dans l’espace comme dans le temps. Et nous sommes nombreux. Trop, peut-être. Dans ces moments de sur-responsabilisation, je me répète que je fais ce que je peux, à mon niveau, au quotidien. Je me rassure en me disant que je pourrais aussi en faire moins et je me motive à en faire davantage. Progresser, m’améliorer, trouver de nouvelles résolutions à mettre en place, pour tendre vers une vie plus respectueuse de mon environnement. Avec la certitude que la seule véritable culpabilité serait de sombrer dans l’inaction.

Et ça va déjà mieux.

Le sentiment de colère, aussi.

À l’égard de ceux qui sont dans le déni, le refus d’obstacle ou encore la passivité. Avec comme question centrale : pourquoi faire des efforts alors que d’autres n’en font pas ? Regarder mon voisin aller chercher son pain au bout de la rue dans son magnifique SUV neuf alors que j’y vais à pied, même sous la pluie. Écouter un ami me démontrer par A+B qu’une machine à laver la vaisselle est plus écologique que la méthode ancestrale, quand je m’évertue à la faire à la main pour moins consommer. Ou encore un autre prétendre que le recyclage ne sert à rien, que c’est une arnaque, alors que je pratique le tri de manière rigoureuse.

Autant de contrariétés qui excitent ma colère et face auxquelles je m’efforce de garder mon calme.

La force de mes convictions m’aide. J’aime marcher, pour aller chercher mon pain comme en randonnée. Si une machine à laver la vaisselle consomme peut-être moins d’eau (pour certains modèles économes), elle exige de l’énergie, pour sa fabrication, son acheminement jusqu’à ma cuisine, pour la nourrir en électricité et la recycler en fin de vie. Et je crois fermement que le système de tri sélectif, s’il est loin d’être parfait, va dans le bon sens.

Je parviens aussi à prendre de la distance avec ma colère parce que je suis convaincu qu’elle engendre des échanges tendus, des conversations stériles, qui ont plutôt tendance à amener mes interlocuteurs à camper sur leur position plutôt qu’à se remettre en question. Ce qui rend, en fin de compte, les causeries hautement contreproductives. Je préfère militer par l’exemple, m’appliquer à moi-même le changement que je veux voir dans le monde, comme le disait Gandhi. Et en témoigner, humblement, sans aucun prosélytisme, en racontant mon évolution de manière pragmatique, en douceur, dès que l’occasion se présente. Avec l’espoir de montrer qu’une autre voie est possible, que nous pouvons tous évoluer, changer. Cette posture provoque de la curiosité et de l’intérêt, souvent, mais aussi de l’incompréhension, du rejet, de la colère. Mais je me plais à croire que, malgré tout, petit à petit, le message passe.

Et cette démarche m’aide à mieux me sentir.

Le sentiment de défaite, enfin.

La sensation que, malgré mon engagement, mes efforts, rien ne change au niveau global. L’impression, aussi, parfois, de ne pas en faire assez. Des constats désagréables qui ont tendance à me démoraliser et, plus grave, à me démotiver. Dans ces moments, j’essaye de rester dans l’instant présent, de ne pas me projeter dans les incertitudes du futur ni dans l’autoflagellation due au passé. Je m’efforce de revenir à davantage d’humilité, en me rappelant que je fais ce que je peux, qu’à l’impossible nul n’est tenu. D’être indulgent à mon égard : modifier ses habitudes est un exercice difficile, comme en témoignent ceux qui arrêtent de fumer ou décident de changer d’alimentation.

Je prends aussi grand soin au quotidien des histoires que je laisse pénétrer dans mon esprit, que ce soit à travers les informations, les œuvres de fiction ou encore les conversations que j’entretiens avec mon entourage. Pour continuer à avancer, je me dois d’éviter trop de reportages alarmistes sur l’effondrement de la biodiversité, trop de films ou de romans sur la fin du monde, de discussions sur l’extinction probable des abeilles et des requins.

Je sais déjà tout ça.

En revanche, j’ai besoin de documentaires sur la beauté du monde, de récits sur l’amélioration de nos rapports avec notre environnement, de débats à la fois chaleureux et constructifs autour d’un feu de bois. Et surtout, de regarder le chemin parcouru depuis le fond de la vallée sans trop m’intéresser à la distance qui me sépare encore du sommet.

Tout cela m’aide à rester positif.

Et du positif, il y en a.

Le monde bouge, plus vite qu’on ne le pense. Les mentalités se transforment, les habitudes évoluent. Et pour moi, comme pour nous tous, la question de la défaite n’a pas à se poser : je n’échouerai pas tant que je n’arrêterai pas d’essayer.

 

Pierre-Yves Touzot

 

Pierre-Yves Touzot est réalisateur, romancier et blogueur. Dans ses romans, il invite ses lecteurs à s’interroger sur leur rapport à l’environnement, à se reconnecter à la Nature, une étape indispensable pour lui vers la résolution de nos problèmes écologiques. Depuis plusieurs années, il construit à travers son blog une médiathèque de romans, d’essais, de bandes dessinées, de films, de documentaires, tous consacrés à cette thématique. Pour en savoir plus : www.ecopoetique.blogspot.com

Il a récemment publié Presque libre, coup de cœur de la rédaction Happinez, aux éditions La Trace.

 

Photo by Josh Hild on Unsplash

On est foutu, on mange trop !

Un tiers de la population de la planète souffre de sous-nutrition, alors qu’une part croissante des habitants des pays riches souffre d’obésité, avec toutes les répercussions dramatiques sur la santé des uns et des autres, de ceux qui jouissent d’une abondance luxuriante comme de ceux qui ne mangent pas à leur faim.

Absurde, non ?

Il apparaît évident que, dans les pays aisés, dans l’ensemble, on mange trop. J’en ai été victime. Il y a encore une quinzaine d’années, je pesais vingt kilos de plus qu’aujourd’hui. Pour retrouver la ligne, j’ai essayé différentes approches. Le régime dissocié (Montignac), la stratégie sur-protéinée (Dukan), la méthode comptable (Weight Watchers)… Ces différentes tactiques fonctionnaient, avec des effets parfois spectaculaires sur les retours chiffrés de ma balance, mais cela ne durait pas. Une fois libéré de ces contraintes que je m’imposais, je retombais dans mes travers, et les kilos superflus revenaient.

J’avais assez vite admis l’idée que je me nourrissais mal, et que je devais m’améliorer. Mais j’ai mis longtemps avant d’envisager qu’il fallait simplement que je mange moins. Et que pour cela, je devais révolutionner ma relation avec la nourriture. Une fois de plus, ma faiblesse était avant tout d’ordre culturel.

Petit à petit, j’ai essayé de changer. J’ai continué de m’efforcer à mieux m’alimenter, mais je me suis surtout attelé à diminuer les quantités. Pour ce faire, j’ai appris à m’écouter, à m’entendre et à me faire confiance. Il m’a fallu passer du plaisir “sans cesse renouvelé de manger ” à celui nouveau ”d’écouter mon corps ”. Manger seulement quand j’avais faim, ne pas manger quand je n’avais pas faim. Oublier le « finis ton assiette » que l’on me rabâchait enfant, le sempiternel « il ne faut pas sauter de repas » qui, s’il peut être vital pour certaines populations fragiles, ne concerne pas forcément ceux qui sont en bonne santé. Renoncer au systématisme du 2700 calories par jour, ni plus ni moins. J’ai travaillé sur moi pour ne plus combler une sensation de vide existentiel par la nourriture. J’ai appris, lentement, à ignorer le fruit du travail acharné de publicitaires talentueux dont le principal objectif est bien souvent de nous faire consommer au maximum leurs produits, au grand dam de notre santé. Le chemin est loin d’être terminé. J’aimerais tendre vers une forme douce de végétalisme, pratiquer régulièrement le jeûne pour laisser à mon système digestif le temps de se reposer… Bref, continuer à pacifier mon rapport à la nourriture.

Pour ma santé physique, bien sûr, mais pas uniquement.

Pour tempérer mon éco-anxiété, aussi.

Diminuer les quantités de nourriture que nous absorbons a un réel impact sur notre environnement. Limiter sa consommation de viande, de poisson, de produits exotiques qui traversent les océans pour arriver jusqu’à nos caddys, de fruits et légumes cultivés artificiellement hors saison… Autant de bonnes résolutions qui entraînent, d’une manière ou d’une autre, une réduction de notre facture énergétique, de notre surexploitation des ressources naturelles, et du grand cirque de l’acheminement des aliments d’un bout à l’autre de la planète. Comme je vivrai en meilleure santé, cela diminuerait encore ma consommation de médicaments, un bienfait supplémentaire puisque l’industrie pharmaceutique laisse, elle aussi, une forte empreinte environnementale. Et, cerise géante sur le gâteau, cela pourrait permettre à terme de mieux répartir nos ressources alimentaires communes, en laissant une part de la production agricole et animale là où les populations en ont vraiment besoin.

Une dernière remarque, pour terminer. Je mange le plus souvent bio, pour ma santé, bien sûr. Mais je le fais aussi parce que c’est une garantie d’un meilleur respect de notre environnement. Je ne suis pas naïf : je ne prétends pas que ce label suffise à attester une qualité optimale et de bonnes pratiques systématiques de fabrication. Ce dont je suis persuadé, en revanche, c’est que le bio est forcément mieux que le non-bio, pour notre santé, comme pour la planète. Parfois dans de larges mesures, parfois moins, et sans doute dans certains cas pas du tout. Mais dans notre contexte écologique, tout est bon à prendre.

 

Pierre-Yves Touzot

 

Pierre-Yves Touzot est réalisateur, romancier et blogueur. Dans ses romans, il invite ses lecteurs à s’interroger sur leur rapport à l’environnement, à se reconnecter à la Nature, une étape indispensable pour lui vers la résolution de nos problèmes écologiques. Depuis plusieurs années, il construit à travers son blog une médiathèque de romans, d’essais, de bandes dessinées, de films, de documentaires, tous consacrés à cette thématique. Pour en savoir plus : www.ecopoetique.blogspot.com

Il a récemment publié Presque libre, coup de cœur de la rédaction Happinez, aux éditions La Trace.

 

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Se relier à l’essentiel avec une retraite soufie dans le désert marocain…

Vous rêvez de commencer l’année 2023 avec sérénité et spiritualité ?

Rana Gorgani, diplômée d’un master d’anthropologie de la danse et d’ethnomusicologie à l’Université de Clermont-Ferrand, représentante de l’héritage culturel et spirituel soufi au sein de différentes institutions comme l’Unesco et l’Institut du Monde Arabe, nous offre l’occasion de vivre une immersion exceptionnelle dans l’univers du soufisme.

Pour cette retraite, elle a préparé de nombreux ateliers pratiques (chants, danse, méditation), des conférences, des soirées et des rituels qui donneront la chance aux néophytes comme aux initiés de vivre une semaine d’introspection profonde au cœur du Sahara.

Après un vol Orly-Zagora avec une escale à Casablanca, vous arriverez au très confortable camp installé dans les dunes au sud de M’hamid, et vous aurez atteint le lieu que vous cherchiez pour vous réjouir de la nouvelle année.

Informations : Université A Ciel Ouvert – 04 79 81 90 78 ou 06 80 45 59 64

www.acielouvert.org – contact mail : infos@acielouvert.org

 

Texte : Thomas Jaeck

Visuel : Josh Gordon / Unsplash

Mieux vivre son écoanxiété : Réparateur, récupérateur, recycleur… des métiers d’avenir

Depuis plusieurs mois, la recharge de mon portable s’avérait de plus en plus aléatoire, sans doute à cause d’une connectique devenue avec le temps défaillante. Malgré l’achat d’un câble neuf, de nombreuses tentatives de nettoyage par le souffle du minuscule orifice adéquat, rien n’y faisait. Un premier professionnel dans une petite boutique d’entretien m’indiquait qu’une réparation me coûterait plus cher que la valeur résiduelle du téléphone, et à peine moins qu’un appareil plus récent. Un second m’expliquait, sur un ton convaincu et convaincant, que mon modèle largement daté allait entrer dans sa phase d’obsolescence programmée, et qu’il boguerait de toute façon de plus en plus fréquemment. J’étais sur le point de m’en procurer un neuf (d’occasion, bien sûr) quand un ami m’offrit un conseil inespéré. Prends un cure-dent (en bois), me dit-il, gratte dans le petit orifice pour en faire sortir les impuretés, et tout devrait rentrer dans l’ordre.

Il disait vrai.

C’était il y a presque un an, et depuis, mon smartphone se porte comme un charme.

Cette mésaventure somme toute banale illustre à quel point nous sommes désemparés face à la panne, désarmés à l’idée même de réparation, et dramatiquement inaptes à la bidouille. Les particuliers comme les professionnels. Notre monde est ainsi fait : il est moins cher pour un constructeur de changer une scie sauteuse sous garantie que d’en déceler la panne et de la remettre à neuf. L’objet défectueux part à la poubelle, sans que quiconque prenne le temps d’essayer de le sauver. Dans mon cas de figure, puisqu’il s’agit d’une expérience vécue, il s’agissait d’une simple petite pièce en plastique à remplacer, une rondelle améliorée qui doit valoir à peine quelques dizaines de centimes d’euros, mais qui, dans l’organisation actuelle de notre modèle économique, n’est pas disponible à l’unité. Une aberration totale, et un monumental gâchis quand on pense à toutes les autres pièces en parfait état qui composaient cette scie sauteuse.

En ces temps incertains, nous pourrions faire mieux.

Nous devrions faire mieux.

Depuis une quinzaine d’années, le recyclage a acquis ses lettres de noblesse, que ce soit à travers des enseignes spécialisées, des foires à tout ou autres brocantes toujours plus nombreuses, ou encore des établissements à vocation plus ou moins caritative. Et cela fonctionne : on peut acheter et revendre un four à micro-onde dans la rue, se procurer un ordinateur chez un recycleur, ou un jeu d’assiettes à soupe de seconde main (ou plus) chez Emmaüs. C’est une victoire, puisque ce qui reste dans le système, ce qui n’est pas détruit, brûlé ou enterré, engendre forcément une économie d’énergie, et ce à tous les niveaux.

Il devrait en être de même pour la réparation. Les machines à laver la vaisselle, le linge, les tondeuses, les écrans plats, les cocottes minute… Les mécaniciens le font, dans une certaine mesure, avec nos voitures et nos scooters, les techniciens avec nos téléphones et nos ordinateurs, avec les limites émises ci-dessus. Mais soyons réalistes, le principe est loin d’être généralisé. Même de grandes enseignes refusent d’envisager la réparation, et lorsqu’elles s’y engagent, c’est à prix prohibitifs destinés à nous orienter vers le neuf.

Il est temps que cela cesse, ou au moins évolue.

J’entends déjà les économistes libéraux m’expliquer que si nous ne consommons pas, si nous ne créons pas de richesse, l’emploi en souffrira, donc notre sacro-saint pouvoir d’achat. Je leur répondrais, en béotien que je suis, que si nous exploitions mieux dans le temps nos biens, nous aurions moins besoin de revenus, puisque nous n’aurions pas sans cesse à tout racheter.

Une forme de décroissance ?

Non.

Juste, dans notre situation, une forme d’intelligence.

Mieux consommer passe aussi par faire durer ce que nous possédons déjà. Entretenir, réparer, et refuser de céder à la facilité en achetant du neuf. Un acte engagé au quotidien qui soulage la planète et nous fait du bien, ne serait-ce qu’en nourrissant notre bon sens. Nous y viendrons, j’en suis convaincu, de notre propre chef ou contraint par cette fin de l’abondance officiellement annoncée depuis peu. J’y crois à tel point que si j’avais des enfants en âge de choisir leur futur métier, je leur suggérerais de devenir réparateur pluridisciplinaire, des couteaux suisses de la bricole ! Nous avons besoin de ce genre de talents, et aujourd’hui moins que demain !

 

Pierre-Yves Touzot

 

Pierre-Yves Touzot est réalisateur, romancier et blogueur. Dans ses romans, il invite ses lecteurs à s’interroger sur leur rapport à l’environnement, à se reconnecter à la Nature, une étape indispensable pour lui vers la résolution de nos problèmes écologiques. Depuis plusieurs années, il construit à travers son blog une médiathèque de romans, d’essais, de bandes dessinées, de films, de documentaires, tous consacrés à cette thématique. Pour en savoir plus : www.ecopoetique.blogspot.com

Il a récemment publié Presque libre, coup de cœur de la rédaction Happinez, aux éditions La Trace.

Ensemble pour une Terre en paix, le 21 septembre

Ce n’est pas difficile de dire que « La paix, c’est mieux que la guerre. ». Ce qui est difficile dans un monde qui ne va pas dans la bonne direction, c’est d’agir pour la construire, cette paix que nous désirons tant. Avec le retour de la guerre sur le sol européen et le soupçon qu’elle fait naître envers la force de nos idéaux moraux, nous sommes tentés de croire que face aux violences, aux injustices et aux misères qui fracturent le monde, la pensée et l’action sont de peu de poids. Il serait facile de se laisser gagner par le découragement, mais pour Thomas Nicodème (initiateur de l’événement, coach en écriture, en communication et ancien journaliste) nous avons « le pouvoir de créer la Paix et de favoriser l’avènement d’un monde meilleur, il suffit juste de savoir comment ».

C’est pour cette raison qu’il a organisé, pendant le mois de septembre 2022, des interviews d’une quinzaine d’intervenants qui témoigneront de leurs expériences et de leurs actions pour « incarner la Paix et la Nouvelle Terre », ainsi qu’un grand rassemblement à 20 h, le 21 septembre 2022 en direct sur YouTube à l’occasion de la Journée mondiale de la Paix. Ce soir-là, guides ou accompagnateurs spirituels, chamanes, médiums, coachs et conférenciers parmi les plus reconnus nous proposeront un rendez-vous inédit dont l’objectif est de rassembler le plus grand nombre possible de participants afin de générer une puissante énergie au service de la paix et de l’émergence d’une nouvelle Terre.

Après un court moment de pratique destiné à faire monter l’énergie de tous ceux qui seront en ligne, les intervenants (notamment Luc Bodin, Serge Boutboul, Stéfania Vilela, Stéphane Clément, Thierry Janssen, Thomas d’Ansembourg…) partageront leurs outils et leurs méthodes pour nous orienter vers des pratiques qui peuvent participer à la création d’un monde meilleur. Leurs démarches participeront d’approches aussi différentes que la méditation, la clairvoyance, la prière, la médiumnité, le chamanisme, l’énergétique, la psychothérapie, le coaching, etc. Toutes défendront le principe directeur de cette soirée selon lequel la Paix dans le monde dépend aussi de la Paix intérieure en chacun de nous.

Pour en savoir plus : https://www.youtube.com/channel/UC7kGfmh1rE-dAtcB6SNGPUg.

 

Texte : Thomas Jaeck

Visuel : Kenrick Mills / Unsplash

 

Mieux vivre son éco-anxiété : mode d’emploi

Ma prise de conscience s’est faite petit à petit, au fil du temps, des lectures, des rencontres, des documentaires et des conférences. Jusqu’à ce que le constat m’apparaisse comme une évidence : l’avenir est sombre. L’Homme se comporte en barbare. Il saccage le vivant, modifie le climat, maltraite sa petite planète, alors qu’il sait pertinemment qu’il n’en a pas d’autres pour se replier. Les plus pessimistes parlent d’une sixième extinction massive. Comme je suis un optimiste de nature, je préfère le voir comme l’appauvrissement d’un écosystème dont nous faisons partie, dont nous dépendons, dont nous avons besoin pour survivre, et dont la détérioration excessive nous retombera dessus, tôt ou tard, sans doute plus tôt que nous le pensons.

Mais tout cela revient un peu au même.

Pendant des années, j’ai résisté. Par peur autant que par lâcheté, je me suis longtemps enfermé dans un déni à l’apparence réconfortante. Et c’est logique : face à un problème apparemment insoluble, aux répercussions graves, face à la perspective d’un avenir plus difficile, moins abondant et luxueux, face aux inexorables sacrifices à venir, mon cerveau encore primitif préférait faire l’autruche et faire comme si tout allait bien. Pourtant, j’ai fini par admettre ce qui m’apparait aujourd’hui comme une vérité, puisque l’immense majorité des membres de la communauté scientifique concernée s’accorde à le crier haut et fort depuis plus d’un demi-siècle : notre écosystème est en danger, et notre espèce avec lui. Une conviction devenue profonde dont j’aurais préféré me passer tant elle est effrayante, et qui s’est vite avérée difficile à vivre. D’autant plus que, c’est une certitude, je ne sauverai pas le monde à titre individuel, et qu’il est peu probable qu’une éminente découverte scientifique ou un homme politique providentiel y parvienne.

Depuis, je vis avec cette peur du lendemain, avec la culpabilité de participer au carnage et, bien sûr, avec les souffrances que ces sentiments engendrent.

C’est ce que j’appelle l’éco-anxiété.

Un mal sournois, lancinant, qui ne m’empêche pas de vivre mais qui pèse au quotidien sur mon moral. Dès lors, la question se pose : comment continuer à avancer chaque jour tout en assistant, impuissant, au massacre du vivant ?

Tout d’abord, l’admettre froidement et définitivement a agi sur moi comme une libération. Sortir la tête du sable, regarder notre situation objectivement, réfléchir et agir, tout cela m’a fait du bien et continue de le faire. Car l’action est le seul remède à l’éco-anxiété. L’immobilisme, par peur ou par déni, agit comme un poison pour l’esprit, pour notre environnement, et pour notre avenir. J’ai trouvé mille manières d’être actif. Car, à bien y réfléchir, tous mes faits et gestes quotidiens peuvent être considérés sous le prisme du combat permanent pour essayer de faire, tel un vaillant colibri, de mon mieux pour aller dans la bonne direction. Les choix que je fais pour me déplacer, me chauffer, me nourrir, consommer, le regard que je porte sur le vivant, sur la nature, sur notre façon de vivre en communauté… Tout a une incidence. J’écris sur le sujet, à travers mon blog, mes chroniques et même mes romans. Et d’autres choix sont là, disponibles, pour qui veut prendre son éco-anxiété en main et se faire du bien : travailler pour des associations, nettoyer les plages, sauver les abeilles, les forêts ou encore militer pour sensibiliser à la cause écologiste atténuent l’anxiété.

Dans mon quotidien, chaque réajustement comportemental, chaque sacrifice utile, chaque progrès est une victoire. Non seulement elles me font du bien, mais elles sont efficaces, de manière infime, mais réelle, pour améliorer la situation globale.

Et oui, c’est vrai, j’ai parfois l’impression de faire des efforts alors que d’autres en font moins, voir aucun. Peu importe : je les fais pour moi, tout d’abord. Pour me sentir mieux, actif dans ma volonté d’améliorer ma propre conduite. Aussi pour nous tous, pour sauver ce qui peut encore l’être, à mon insignifiant niveau. Et je le fais aussi pour montrer à ceux qui ont envie de le voir qu’il est possible de changer sa manière de vivre. Ces évolutions dans les petits gestes du quotidien ne nous préserveront sans doute pas des crises majeures à venir, mais je crois fermement que, si nous nous y mettons tous ensemble, ils peuvent en diminuer l’ampleur.

Car je vois l’humanité comme les passagers d’une voiture lancée à grande vitesse dans un mur. S’il est sans doute trop tard pour éviter le choc, il est encore possible de diminuer la vitesse du véhicule. Donc de réduire la violence de l’impact. CQFD. Les mathématiciens le savent : l’intensité ne dépend pas de la vitesse, mais du carré de la vitesse. Tout cela est exponentiel.

Dans ce contexte, tout est bon à prendre pour freiner la voiture.

C’est une des rares certitudes qui m’animent. Elle m’aide à mieux vivre, et à faire évoluer mes comportements. Et je ne suis pas le seul. Ces dernières années, nous sommes de plus en plus nombreux à participer à cette décélération, en changeant nos habitudes, en œuvrant chacun comme nous le pouvons pour tirer sur le frein à main.

La voiture ralentit, un peu.

Pas assez rapidement, malheureusement.

Mais il ne tient qu’à nous tous d’agir, chacun à notre façon, chacun avec ses grandes victoires et ses petits échecs.

 

Pierre-Yves Touzot

 

Pierre-Yves Touzot est réalisateur, romancier et blogueur. Dans ses romans, il invite ses lecteurs à s’interroger sur leur rapport à l’environnement, à se reconnecter à la Nature, une étape indispensable pour lui vers la résolution de nos problèmes écologiques. Depuis plusieurs années, il construit à travers son blog une médiathèque de romans, d’essais, de bandes dessinées, de films, de documentaires, tous consacrés à cette thématique. Pour en savoir plus : www.ecopoetique.blogspot.com

Il a récemment publié Presque libre, coup de cœur de la rédaction Happinez, aux éditions La Trace.

 

Visuel : Austin Neill / Unsplash