Le sommeil est un phénomène miraculeux.
La force de votre côté obscur
Une épouse fidèle, une mère aimante, une fille attentionnée : nous jouons toutes un rôle. C’est ainsi que nous avons été élevées, et chaque situation sollicite une des facettes de notre personnalité. Certains rôles nous rebutent, nous ne voulons pas les jouer et les gardons cachés dans l’ombre. C’est pourtant souvent là que se trouve le plus grand trésor.
Extrait de Happinez 60 – Célébrer la vie
Texte Lisette Thooft – Photo Claudia Ramirez/Unplash
L’autre jour, j’étais devant ma garde-robe et j’ai réalisé avec stupéfaction que, depuis que je suis divorcée, je ne porte plus certains vêtements. Cette longue jupe noire de soirée par exemple. Je sors encore, mais pas dans cette jupe. Et il y a toute une série d’autres vêtements dans cette armoire qui correspondent typiquement à la vie d’une femme mariée, mais pas à une célibataire. C’est comme si, dans le théâtre de ma vie, j’avais raccroché un certain type de costumes parce qu’un rôle de la pièce avait disparu.
Repère
Nous connaissons toutes et tous ces schémas qui nous amènent à nous comporter un peu différemment selon les situations. Les rôles ont de bons côtés : ils nous donnent des repères, explique la psychologue Machteld Stakelbeek. Vous savez ce que vous avez à faire, ce que l’on attend de vous. Une épouse ne trompe pas son mari, une mère est attentionnée et une cheffe d’entreprise a des ambitions.
« Cela devient un problème lorsque vous vous identifiez excessivement à votre rôle, prévient-elle. C’est le cas si vous n’êtes qu’une mère et que vos enfants quittent le nid. Ou si votre rôle principal se cantonne à celui d’épouse et que votre mariage capote. Ou encore si vous estimez être carriériste et que vous vous faites virer. Vous devez alors vous réinventer en quelque sorte. »
Les déesses de l’âme
Machteld Stakelbeek a conçu un Jeu des Déesses (non traduit) et une formation en ligne qui l’accompagne, basé sur les déesses de la Grèce classique. La psychiatre américaine Jean Shinoda Bolen en avait déjà parlé dans son livre Goddesses in Everywoman (“Les déesses en chaque femme”, non traduit) : ce sont des archétypes ou des forces que nous avons toutes en nous.
Or, en tant que femme divorcée, j’ai perdu mon rôle d’Héra, pour ainsi dire. Héra est avant tout la femme de Zeus et la déesse du mariage. Je sens en revanche toujours la présence d’Aphrodite, la déesse de l’amour : elle est la championne de la beauté et de la conscience du corps. Je perçois également l’énergie de Déméter, la déesse de l’agriculture, la mère attentionnée qui se consacre aux autres et qui aime jardiner.
De même que celle d’Artémis, la femme en mission, qui nourrit des idéaux et aime l’aventure. J’apprécie également l’Hestia qui est en moi, la déesse du foyer. Je reconnais en outre Perséphone, l’éternelle fille au sens de l’humour, qui voit toujours le bon côté des gens. L’Athéna en moi est naturellement la femme carriériste, l’auteure qui analyse tout. Mais Héra est partie. Est-ce grave ? « Peut-être l’avez-vous suffisamment vécue, me suggère Machteld, ou peut-être reviendra-t-elle ? Mais Héra n’est pas seulement la connexion avec un homme, elle concerne également l’unité entre le féminin et le masculin que nous avons en nous. »
Noyau masculin et féminin
Selon la psychologie jungienne, l’âme de chaque femme détiendrait un noyau masculin, son animus. De même, l’âme de chaque homme abriterait un noyau féminin, son anima. Tant que vous n’en êtes pas consciente, vous les projetez sur les autres et vous tombez amoureuse de personnes qui ressemblent à votre animus ou anima. Selon Jung, chaque être humain doit finir par relier ses deux facettes pour devenir une personne à part entière.
Être une personne plus entière, moins brisée est également l’objectif du travail thérapeutique basé sur les rôles. Vous êtes toujours encline à projeter sur les autres ce que vous ne vous autorisez pas à être. Et moins vous réprimerez de choses en vous, plus vous deviendrez intègre, littéralement.
Car un rôle que vous n’avez pas clairement défini ou que vous refoulez vous fait parfois faire des choses qui échappent à votre entendement. Jean Shinoda Bolen décrit dans son livre une actrice qui voulait désespérément décrocher un grand rôle, mais dont le mari était jaloux. Le jour de l’audition, elle eut une panne de réveil. Elle arriva trop tard et ruina ses chances.
« Son Héra l’empêchait de se démarquer de son mari, déclare Machteld. Parfois, Héra vous dérange aussi en tant que femme lorsque vous commencez à gagner plus que votre partenaire. Vous tenez alors inconsciemment compte de sa sensibilité, et vous ne voulez pas lui enlever son rôle. » Les gens restent souvent bloqués dans un rôle par peur : que se passera-t-il si je ne suis plus le patron, si je ne peux plus faire le clown, si je cesse d’être la blonde idiote et que je montre à quel point je suis intelligente ?
« Si vous vous cachez derrière votre rôle, dit Machteld, vous risquez de vous scléroser, de perdre votre authenticité. Le fossé avec votre vrai moi se creuse et vous vous déconnectez de vous-même. »
Que cache votre ombre ?
Vous ne savez pas ce qui se trouve dans votre ombre. Cela a été repoussé, refoulé ou rangé dans un coin de votre âme. Alors, comment savoir ce qui s’y cache ? Vous pourrez apprendre beaucoup de choses en interrogeant des amis et des membres de votre famille, mais aussi en regardant ce qui vous irrite ou vous met en colère, ce que vous méprisez ou condamnez chez les autres.
Asseyez-vous et dressez une liste des comportements des autres qui vous irritent, avec au moins cinq points, ou plus si vous le souhaitez. Ma liste ressemblerait à ceci :
• traînasser ;
• ne pas faire de son mieux ;
• passer le plus clair de son temps à faire la fête ;
• parasiter les autres ;
• ne pas avoir de but, de mission.
À partir de ces “qualités”, créez un personnage. Décrivez-le, dessinez-le, donnez-lui un nom.
Ensuite, projetez-vous dans cette personne, devenez-la. Habillez-vous comme elle le ferait, maquillez-vous éventuellement, reproduisez ses expressions faciales et sa façon de parler devant le miroir. Prenez votre temps : bloquez par exemple quelques heures ou une demi-journée pour incarner votre rôle de l’ombre. Bien sûr, c’est encore plus amusant de le faire à plusieurs, mais même si tout le monde rit, faites-le sérieusement. À l’heure prévue, remettez votre rôle au placard et asseyez-vous pour écrire et/ou partager avec les autres ce que vous avez vécu. Qu’avez-vous ressenti ? Comprenez-vous désormais mieux les gens qui se comportent de la sorte ? Qu’est-ce qui vous a plu et déplu ? Pourriez-vous autoriser consciemment une partie de cela dans votre vie ?
Retrouvez l’article complet dans Happinez 60 – Célébrer la vie
Pour aller plus loin, rendez-vous le 6 mars à la Journée des Sorcières, La Bellevilloise, Paris.