Le sommeil est un phénomène miraculeux.
L’art du réconfort
Lorsqu’un être cher a du chagrin, nous avons envie de le réconforter. Mais que dire ? Que faire ? Voici quatre manières possibles d’être présent pour l’autre.
Texte Mirre Bots Photo Annie Spratt/Unsplash
S’adapter à ses besoins
« Ne me console pas, ce n’est pas ce que je veux… Aujourd’hui, je veux être inconsolable… », chante l’artiste Louise Korthals. « J’ai écrit cette chanson après la mort soudaine de mon père, quand j’ai compris que parfois je ne voulais tout simplement pas être réconfortée : mon père, une personne irremplaçable dans ma vie, n’était plus là et il fallait que je m’habitue à cette idée. Lorsque je pleurais, mes proches essayaient désespérément de me consoler, parfois gênés par ma tristesse. C’était attendrissant, mais aussi très énervant, car ce n’était pas ce que je voulais. Je sentais que je devais vivre pleinement cette tristesse, pour pouvoir la transcender et un jour m’en sortir par mes propres moyens. »
Ce qui importe, c’est d’être là pour l’autre et de reconnaître sa douleur, explique la psychothérapeute Riekje Boswijk-Hummel. En s’adaptant à ses besoins, on donne à l’autre tout l’espace et toute l’attention nécessaires : son histoire, ses sentiments, ses besoins. Veut-il pleurer ? Parler ? Ou au contraire se taire ? A-t-il juste besoin d’une aide concrète ? En l’écoutant et en l’observant bien, on comprendra mieux ses attentes et de quelle façon lui apporter son soutien.
Proposer son aide
Wendy venait juste de vivre une séparation difficile avec son compagnon lorsqu’elle s’est fait une hernie qui l’a paralysée. « C’était très difficile pour une personne aussi indépendante que moi. J’ai été si touchée lorsque deux amies m’ont proposé de venir vivre chez moi pendant une semaine pour m’aider. Elles ont fait la cuisine et le ménage, et ont joué le rôle de mères pour moi : grâce à elles, je n’avais pas besoin de prendre la moindre décision ou de penser aux autres, ce qui ne m’était jamais arrivé. J’ai compris que je n’avais pas toujours besoin de tout faire moi-même, que je ne pouvais pas porter tout le poids du monde sur mes épaules. Mes deux amies m’ont dit qu’elles étaient heureuses de pouvoir enfin faire quelque chose pour moi. Je me suis sentie tellement soutenue. Quel bonheur ! »
On peut montrer son empathie à un ami dans le besoin en proposant une aide pratique : s’occuper des enfants, préparer une soupe ou tailler les haies de son jardin sont parfois de très bonnes façons de réconforter.
De la place pour le chagrin
Chacun vit son chagrin à sa façon : certains voudront raconter encore et encore ce qui leur est arrivé. Certains auront besoin de s’emporter et de pester, tandis que d’autres se renfermeront complètement sur eux-mêmes. Pour un proche, c’est très difficile d’être le témoin d’émotions telles que la tristesse ou le désespoir et on peut être tenté de chercher des solutions, d’“expédier ces émotions”. Riekje Boswijk-Hummel explique : « On essaie de pacifier, de trouver une solution médicale au problème (« Prends donc une pilule ! »), de dorloter (« Viens au sauna avec moi, ça te fera du bien ! ») ou de chercher des interprétations psychologiques ou ésotériques. » C’est ce qui est arrivé à Hilde : « Après que mon mari a succombé à une crise cardiaque, les parents des amis de mon fils sont venus me rendre visite, en m’offrant souvent un dessin ou une carte. C’était très émouvant. Une de mes amies m’a à peine laissée parler avant de me dire : “Qu’est-ce que cela pourrait bien vouloir dire, spirituellement parlant ? Quelle leçon pourrais-tu en tirer ?” J’étais consternée. Je ne m’attendais pas du tout à ça, et je trouvais insupportable qu’elle nie ma douleur et celle de mon fils en cherchant des leçons spirituelles dans cet affreux événement. Je me sentais trop fragile donc je n’ai rien dit, mais je ne l’ai plus jamais revue, alors qu’autrefois nous partions même camper ensemble. »
Lorsque vous n’êtes pas sûr de pouvoir répondre aux attentes d’un proche de la bonne façon, posez-lui simplement la question : « Veux-tu en parler ? Aimerais-tu que je te rende visite ? Veux-tu que je passe l’aspirateur ? »
Voilà une façon très simple de clarifier les choses, pour tous les deux.
La sécurité de l’immuable
Après la mort du mari de Maria, sa voisine a pris l’habitude de l’inviter à se promener tous les matins. Maria raconte : « Cette promenade quotidienne structurait ma journée entière. J’en avais vraiment besoin, surtout au début. Que la nuit ait été reposante ou non, je savais que je devais me lever, même si je n’en avais pas du tout envie. Nous faisions toujours la même promenade, pendant environ une demi-heure. Parfois nous discutions, parfois non. Je savais que je pouvais compter sur elle et me confier à elle si j’en éprouvais le besoin. » Marij a, elle aussi, compris l’importance d’un soutien inébranlable après le suicide inattendu de son frère : « Une collègue de travail, que je ne connaissais pas très bien, est venue me rendre visite très régulièrement, pendant deux ans. La première fois, elle m’a amené quelques jolis poèmes. Elle avait vécu une situation similaire, elle savait donc quelles questions poser, quelles remarques faire. J’ai pu parler souvent de mon frère, et c’était la seule chose que je voulais faire à l’époque : parler de lui, de sa vie, de la dernière année qu’il avait vécue, de sa mort, et des raisons qui l’avaient poussé au suicide. Pendant ce temps, elle tricotait et nous buvions du thé, ce qui rendait l’atmosphère très confortable et détendue. C’est d’ailleurs comme ça que nous en parlions : “Alors, tu viens tricoter à la maison cet après-midi ?” C’est surtout ça qui me faisait du bien, car son attention n’était pas centrée sur mon chagrin ou la nécessité de parler. Elle était simplement présente, et m’a consacré tout le temps dont j’avais besoin. Elle tricotait, mais elle était là pour moi, et je me sentais donc en sécurité et libre de dévoiler tout ce que je voulais : mes larmes, mes souvenirs et mon amour pour mon frère. »
Quand une personne subit une grande perte, on lui accorde beaucoup d’attention, mais cela s’estompe assez rapidement alors que le chagrin, lui, reste. C’est pourquoi ce sentiment de sécurité né dans la constance – d’un “après-midi tricot” par exemple – est si précieux.