Le sommeil est un phénomène miraculeux.
Le rire libère… La légèreté comme art de vivre
On a parfois l’impression que la quête du sens et la spiritualité sont des choses très sérieuses, et c’est dommage ! Après tout, un peu d’autodérision et d’humour ne peuvent rendre le chemin vers l’éveil que plus gai et plus léger. Sinon, pourquoi y aurait-il autant de blagues bouddhistes ?
Extrait de Happinez 64 – être soi
Texte Anne Wesseling
Connaissez-vous cette blague du Bouddha qui marchait le long du Gange lorsqu’il aperçut un disciple en train de prier au pied d’un arbre ? Il lui demanda pourquoi il méditait, et celui-ci lui répondit qu’il essayait d’atteindre l’éveil afin de pouvoir traverser le fleuve tout seul et sans aucune aide. Le Bouddha lui tendit alors de l’argent et dit : « Prends plutôt le bateau, ce sera plus facile ! »
Une blague qui fait réfléchir, car la réponse du Bouddha est non seulement inattendue, mais elle en dit également long sur la vision bouddhiste de la vie, qui comprend une certaine légèreté. D’autres blagues vont dans le même sens, comme celle de l’étudiant zen qui frappe à la porte d’un monastère bouddhiste et pose la question suivante au maître zen qui lui ouvre : « Si je rejoins cet ordre, combien de temps me faudra-t-il pour atteindre l’éveil ? »
« Dix ans », répond le maître zen. L’étudiant trouve cela un peu long. « Mais, et si je fais de mon mieux et travaille deux fois plus dur ? » demande-t-il, plein d’espoir. « Alors, il te faudra vingt ans. »
Cette blague est, elle aussi, révélatrice de l’essence du bouddhisme : plus on s’efforce d’atteindre quelque chose, plus il faut de temps pour “comprendre”. En effet, le bouddhisme – et la vie en général – n’est pas quelque chose que l’on peut percer en réfléchissant très fort et en courant vers la ligne d’arrivée, mais plutôt en se détendant. C’est le chemin, et non le but, qui compte.
Encore une dernière, pour la route : une femme occidentale s’était rendue en Inde pour suivre les enseignements d’un maître bouddhiste. Un jour, tandis qu’elle se rendait au temple avec une amie dans un rickshaw et sous une pluie battante, les deux femmes furent attaquées par un homme. Elles s’en sortirent finalement sans trop de mal, mais toutes deux restèrent choquées par cet incident. L’Occidentale demanda à son maître s’il avait quelque conseil sur la façon de réagir dans pareille situation. Elle avait déjà bien appris les concepts de “bonté aimante”, de “vivre le moment présent”, mais comment traduire cela en une réaction bouddhiste correcte lorsque l’on est confronté à un agresseur ?
Les sages paroles de son professeur furent les suivantes : « Vous auriez pu, dans cet instant présent et pleine de bienveillance, lui taper sur la tête avec votre parapluie. » Ici aussi, il y a une sagesse plus profonde : “être dans l’instant” signifie être alerte et faire ce que la situation exige à ce moment-là. Et puis, la bienveillance a ses limites.
Rions un peu
Nous avons tendance à penser que le développement personnel (ou la spiritualité en général) est une affaire très sérieuse. Ce sérieux n’est pas étonnant en soi. « Qui suis-je ? » et « Que fais-je ici ? » sont des questions philosophiques sérieuses et la quête de sens dans la vie ne prête pas non plus forcément aux franches rigolades. Trouver son destin et apprendre à accepter ses imperfections (et à vivre avec !) ne sont pas des tâches aisées. Mais tout cela doit-il pour autant être grave et lourd ? La légèreté ne serait-elle pas elle aussi un art de vivre ? Et la gaieté ? Et être capable de rire de soi, même les jours moins drôles ? Relativiser ne nous aiderait-il pas à gagner en sagesse et à affiner notre dimension spirituelle et religieuse ?
C’est une question que l’on ne pose pas souvent. En tout cas pas dans la plupart des religions, où la légèreté est difficile à trouver, à moins de la chercher et de lire entre les lignes. Prenez le Nouveau Testament. Le fait que Jésus change l’eau en vin devait être un don passablement apprécié lors des fêtes et autres banquets. Et, si l’on y réfléchit, la remarque de Jésus : « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans le tien ? » n’est pas dénuée d’ironie. Le fait que les gens ont toujours des commentaires à faire sur les faits et gestes des autres sans se rendre compte qu’ils font souvent bien pire prête amplement à sourire. Mais de là à en déduire que la vie elle-même peut aussi être légère, il y a un pas que la religion se refuse à franchir.
[…]
Retrouvez l’intégralité de l’article “Le rire libère” dans Happinez 64 – être soi, en vente chez les marchands de journaux le 22 février.