Le sommeil est un phénomène miraculeux.
Les conseils santé du Dr V. : Comment changer le monde ?
Chers lecteurs, chères lectrices, le monde brûle et je suis cuite. Suis-je seule à sentir la chaleur poisseuse d’une main invisible autour de ma gorge ? Comme disait l’autre, quand un monde est inhabitable, on le change, ou on en change, alors voici mon interrogation d’été, simple comme un bonjour : comment changer le monde ? Et, si le monde ne change pas ou si nous ne souhaitons pas le changer : où vivrons-nous ?
Examinons la question initiale en termes arithmétiques. Posons les trois mots — comment, monde, changer — en forme de points sur une infinie, c’est à dire une ligne droite, ici une sphère. Sonore, elle schématise l’énonciation (la question) à un instant T générée par un locuteur que nous appellerons Roberte. Le mot comment, posons-le sur la ligne, plaçons ensuite monde au centre de la sphère et changer sur une autre ligne tendue entre monde et comment, autrement dit le rayon.
Constat préliminaire : cette sphère n’aura pas le même aspect selon 1/ l’humeur de Roberte 2/ son environnement proche 3/ ce qu’elle mange 4/ la façon dont elle dort — en effet, une insomnie aura tendance à engendrer chez Roberte un comment miniature, sans vivacité. Et maintenant, écoutons attentivement le chant des mots. Premier constat : où qu’il se place sur la ligne, comment n’entendra pas monde de la même manière.
Deuxième constat : les significations de changer varieront d’autant.
Troisième constat : si, chez une même personne, la question et ses réponses varient continûment, alors imaginez l’état de la question et l’épaisse marée de réponses lorsque six milliards de locuteurs génèrent une sphère. Autrement dit, si chaque individu voit midi (le monde) à sa porte (depuis son comment), quelle réponse unique (si tel est notre objectif) donner à la question initiale ?
Avant de nous demander, saisis par le doute ou la panique, si la question « comment changer le monde ? » est pertinente, creusons encore, car une autre interrogation puissante et trop rare dans les médias galope sous la ligne (le rayon) où danse le mot changer : de quoi le monde a t-il besoin ?
Pour y répondre, aventurez-vous au-delà des concepts rincés — paix, amour, joie — qui, c’est normal, jailliront en tête de liste et devront, je le crains, passer eux aussi par la Sphère de Roberte pour être validés.
Posez-donc la question à vos pieds, qui caressent chaque jour le sol du monde, à votre bouche, votre ventre qui mastiquent et digèrent la matière qu’il produit, baignez-vous, puisque c’est l’été, et interrogez chaque organe entre deux vagues… La peau, vous verrez, a toujours de belles idées. Notez toutes les réponses.
Ensuite, posez la question à votre environnement, à la matière : végétaux, animaux, astres, objets. Notez les réponses.
Une fois la communication établie, osez interroger le monde : de quoi l’humain a-t-il besoin ? Même si vous ne comprenez pas sa langue, notez les réponses.
À l’issue de ce sondage en volume, vous pourrez, sans vertige, répondre à la question initiale et à toute autre contenant le mot monde.
La suivante (où vivrons-nous ?) devra passer, elle, par le filtre d’un autre théorème appelé Triangle d’Anaxagore. Pour mémoire, ce dernier écrivait, en 450 avant Jésus, « rien ne se perd, rien ne se crée : tout se transforme ».
Bon rétablissement,
Dr. V
Photographie : Lise Mazin
Lisa Diez est une chercheuse polyvalente, sorte d’artiste tout-terrain. Plasticienne, clown, autrice, formatrice, elle ausculte sans relâche le vivant, le sensible, l’invisible en inventant des formes qui les relient. Promenez-vous sur son site, toujours en construction, www.atelierdiez.com