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Libérez vos émotions profondes avec les contes

Catégorie(s) : Bien-être, Art de vivre, Rencontres, Contes, poésie..., Sagesse & spiritualité, Livres, Rituels, Développement personnel

Fondatrice de l’Institut de travail initiatique avec les contes et les mythes (IMMA), qu’elle dirige, la psychothérapeute Hildegard Wiedemann enseigne cette méthode lors de stages de formation en Allemagne et en France. Elle la développe aussi dans son livre Travail initiatique avec les contes (dauphin éditions, 2019) où l’on comprend comment ces récits anciens qui ont bercé notre enfance peuvent nous aider à aller à la rencontre de nous-même et comment, sur une telle voie, l’art-thérapie constitue un allié important pour intégrer les archétypes et les symboles du conte.

Happinez : Derrière leur apparente naïveté, quel effet les contes produisent-ils sur les enfants qui les découvrent ? Peuvent-ils aussi toucher les adultes ?

Hildegard Wiedemann : Les contes de fées se servent des images comme d’un langage et ces images touchent directement l’âme et les ressentis de ceux qui les écoutent. Celle du dragon ou de la sorcière, par exemple, suggère la peur du mal et de son pouvoir.  Chacun s’identifie inconsciemment au héros ou à l’héroïne et ressent, à travers eux, courage, confiance et amour.

Dans les contes, les héros s’engagent toujours pour le bien et contre le mal. Idée qui plaît évidemment aux enfants puisqu’ils souhaitent être associés à la bonté, en luttant contre le dragon (le prétendu mal) ou en brûlant la sorcière, comme dans Jeannot et Margot (frères Grimm). Pour un tel acte, les enfants ne pensent pas à mal, comme le feraient les adultes. Il signifie simplement que le mal est vaincu et qu’ils n’auront plus besoin d’avoir peur de lui. Les enfants s’identifient à Jeannot et Margot, toujours avec l’appréhension que leurs parents les abandonnent, à l’image de la forêt, symbole de cette situation étrange qui effraie les plus jeunes.

Ils aiment aussi les sucreries, davantage encore lorsqu’elles sont gratuites. C’est pourquoi, ils sont attirés par la petite maison dans la forêt, qui est couverte de petits gâteaux. Elle représente la bonne mère qui les nourrit gratuitement tandis que la sorcière est associée au côté sévère de celle qui leur a donné la vie.

Les enfants s’imaginent enfin dans la peau de la courageuse Margot qui aime son frère et qui emploie une ruse pour éviter qu’il soit avalé par la sorcière. En écoutant ce conte et à travers ses héros, les enfants gagnent confiance en eux et trouve le moyen de sortir de situations d’impuissance et de danger.

Les adultes sont aussi touchés par ce conte. Ils connaissent également des situations d’impuissance et de peur. Comme ils comprennent généralement le fait de “tuer” à travers le filtre de la morale et de l’éthique, je leur explique que, dans les contes, ”tuer” est employé symboliquement. Cela fait partie d’un processus de transformation. La mauvaise sorcière se transforme en brûlant et devient cendre fertile si on la répand sur les champs. En saisissant cette langue des images symboliques, ils réalisent alors qu’ils désirent que le mal disparaisse. Ils comprennent surtout que bien qu’ils ne puissent pas effacer ce mal, ils ont la possibilité d’en sortir en en prenant conscience. Comme Margot.  À ce moment-là, ils confiance en eux, dans le courage d’agir et d’aimer la vie. Cela les aide à traverser leurs propres difficultés et à s’engager dans leur existence.

 

Comment intégrez-vous le conte à l’art thérapie ?

Les contes de fées populaires sont la base de mon travail. À leur écoute, un grand nombre d’images sont générées. J’utilise plusieurs méthodes pour que les gens puissent expérimenter leurs images intérieures. Ils entrent ainsi en contact avec eux-mêmes et leurs ressentis.

Reprenons l’exemple du conte Jeannot et Margot. Pendant un stage, j’invite les participants à visualiser la sorcière. Après, je leur demande de se lever, de s’identifier un moment à elle et de l’exprimer par un geste. Cette expérience physique relie chacun à ses ressentis. On peut soit prendre conscience de la puissance de cette sorcière qui aime faire peur aux autres, ou bien de sa solitude et de sa vieillesse. Presque tout le monde peut s’y retrouver.

Je propose ensuite aux participants de dessiner la sorcière. Entrant dans le dessin, ils oublient le jugement associé au fait de bien dessiner ou non et atteignent parfois une autre forme de perfection. Cette étape franchie, ils peuvent entrer dans un espace de jeu hors du temps et de l’espace réels. La joie se présente à travers les couleurs qui vont permettre de créer le dessin. Parfois, ils dessinent la sorcière dans sa petite maison pleine de trésors. En mettant des mots sur ces ressentis, ils comprennent qu’ils peuvent être isolés des autres, seuls, sans savoir comment utiliser leurs richesses intérieures, leur propre potentiel, qui n’attend que leur expression. Cela mène à l’élan créatif. La source intérieure est touchée.

Le but de mon travail avec les contes est d’accompagner les gens vers cette source vivante.

Dès que ce contact avec la source créative et divine en soi est établi, une transformation peut commencer. L’élan fait qu’on devient plus créatif dans sa manière de vivre. Les gens commencent à sortir d’anciens comportements et se laissent inspirer par leur source, à vivre ce qu’ils sont vraiment. Dans cette transmission, j’utilise autant des méthodes d’art-thérapie que de la constellation systémique ou de l’expression avec les gestes.

 

Quel conte possède, selon vous, une puissance initiatique particulière ?

Les contes de fées populaires russes et ceux des frères Grimm sont le plus souvent basés sur de vieux chemins initiatiques. Ils nous présentent des images symboliques et le voyage d’un héros vers le mystère de la VIE.

Par exemple dans La boule de Cristal, des frères Grimm, le héros doit traverser beaucoup de difficultés pour remporter cette sphère qui représente l’être divin en l’homme, sa source intérieure. Dès qu’il tient le fameux objet entre ses mains, on comprend qu’au bout du compte, il s’est enfin lié à son être divin, et qu’il peut rétablir l’ordre en lui et autour de lui.

Pour y arriver, il lui faut lutter avec un taureau sauvage et le tuer afin qu’un oiseau de feu, qui se trouve à l’intérieur de la créature, puisse en sortir. Ces images symboliques sont liées à nos propres thèmes.  Notre quête de la source intérieure nous conduit à la confrontation avec le taureau qui vit en nous et qui peut symboliser nos affects forts ou nos passions sauvages. En les accueillants et en les traversant, nous rencontrons notre oiseau de feu, nos intuitions, les idées qui nous inspirent.

Le conte exprime ce processus par le biais de l’oiseau qui laisse tomber son œuf sur une cabane qui prend feu. L’œuf, qui se brise dans cette chute, contient la boule de cristal. Le héros supporte alors que sa cabane intérieure, ses vieux comportements, brûlent afin de se transformer. Puis, il lui faut effacer le feu, devenir le maître de sa maison. C’est de cette manière qu’il pourra y entrer et retrouver la boule de cristal pour se confronter au magicien et libérer la princesse ensorcelée.

La route du héros détaille les étapes à suivre pour atteindre notre boule de cristal. Dès que nous sommes en contact avec l’être profond, notre âme, la princesse, devient libre. Le sorcier intérieur peut figurer l’ego, qui a dirigé longtemps notre vie et qui maintenant a perdu sa force. C’est le moment de l’ouverture du cœur, matérialisé dans le conte par le mariage du héros et de la princesse.

 

Pour en savoir plus : www.maerchenmythen.de

 

Propos recueillis par Aubry François

© Kelly Sikkema / Unsplash