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Mieux vivre son écoanxiété, c’est aussi se foutre la paix…

Catégorie(s) : Art de vivre, Nature, Rituels, Développement personnel, Bien-être

Devenir attentif à tout ce qui pourrait diminuer son empreinte écologique et développer une attitude écoresponsable amène tôt ou tard à une prise de conscience : chaque détail a son importance. Chacun de nos gestes a un impact, tout est sujet à amélioration. Une démarche vertueuse, certes, mais susceptible de devenir obsédante, stressante et finalement contre-productive. Le remède ? Se souvenir que, par moment, il faut aussi savoir se foutre la paix.

« Si je dois faire attention à tout, alors c’est sans fin », se plaint récemment un proche avec qui je parle de réduction d’empreinte écologique.

Il a raison, je compatis.

J’ai souvent cette sensation de mener un combat sans fin, de découvrir sans cesse de nouveaux territoires, de nouvelles actions à entreprendre pour diminuer encore et toujours mon impact sur mon environnement. Ces derniers mois, j’ai commencé à ne plus remplir ma bouilloire à ras bord quand j’ai besoin d’eau seulement pour une tasse. À vider le coffre de ma voiture du superflu pour économiser quelques kilos à déplacer. À aller demander des sacs en papier à l’accueil d’un supermarché pour éviter ceux en plastique des rayons frais.

Entre autres.

Tous mes faits et gestes ont un impact, les plus anodins comme les plus essentiels. Tout est source d’amélioration, en permanence, de plus en plus quand on apprend à marcher dans la bonne direction.

Une quête objectivement sans fin.

« Le Diable se cache dans les détails », écrivait Nietzsche à travers son personnage Zarathoustra. Dieu aussi, d’ailleurs, quand on lit Thomas d’Aquin ou Gustave Flaubert.

Je n’ai pas le choix, je dois faire avec cette réalité. Avec ce phénomène le plus souvent indépendant de ma volonté qui peut rapidement se transformer en ogre, devenir oppressant, obsédant, surtout dans un contexte d’urgence croissante. J’use alors de stratagèmes défensifs pour apaiser mon esprit, et lutter contre toute tentation de découragement.

J’énumère, par exemple, la liste des résolutions essentielles que j’ai déjà prises pour aller dans le bon sens. Vivre dans une petite habitation facile à chauffer, rouler dans une voiture légère qui consomme peu, trier consciencieusement mes déchets, faire attention à l’origine des aliments qui me nourrissent, n’acheter du neuf que lorsque je n’ai pas le choix… Autant de bonnes actions, probablement insuffisantes, mais qui ont le mérite d’être concrètes !

Pas si mal, déjà !

Quand ce bilan ne suffit pas à m’apaiser, j’emploie les grands moyens. Je m’oblige à prendre du recul, et à lâcher prise. À me foutre la paix. L’espace d’un moment plus ou moins long, j’essaye de faire taire — ou de ne plus écouter, cela revient au même — cette voix intérieure qui me pousse à toujours faire mieux. Je m’efforce de fermer les yeux sur mes dérives, mes failles, mes petits arrangements avec moi-même. Tout en me répétant qu’à l’impossible, nul n’est tenu.

Si cela ne fonctionne toujours pas, je m’oblige à m’en ficher momentanément de tout ce qui concerne cette problématique d’empreinte écologique. Je peux pousser cet élan de révolte jusqu’à m’offrir une barquette de kiwis néozélandais, un excès de vitesse dans ma mini-voiture, un bain chaud longue durée, voire dans les cas extrêmes un truc neuf en plastique made in China.

Et je me sens mieux.

Je reprends mes esprits, je retrouve ma rigueur et ma combattivité. Cet équilibre entre action et indulgence difficile à trouver, instable, forcément très personnel. Mais savoir de temps à autre relâcher la pression m’est indispensable pour tenir dans le temps, nourrir ma motivation, avancer et ainsi grappiller de nouvelles conquêtes, de nouvelles victoires.

Pierre-Yves Touzot

 

Pierre-Yves Touzot est réalisateur, romancier et blogueur. Dans ses romans, il invite ses lecteurs à s’interroger sur leur rapport à l’environnement, à se reconnecter à la Nature, une étape indispensable pour lui vers la résolution de nos problèmes écologiques. Depuis plusieurs années, il construit à travers son blog une médiathèque de romans, d’essais, de bandes dessinées, de films, de documentaires, tous consacrés à cette thématique. Pour en savoir plus : www.ecopoetique.blogspot.com

Après le roman Presque libre, coup de cœur de la rédaction Happinez, publié aux éditions La Trace, Pierre-Yves prépare un nouveau roman pour le mois de mai 2023, Mon dernier concert.