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Pour mieux vivre notre écoanxiété, balayons d’abord devant notre porte

Catégorie(s) : Nature, Maison, Rituels, Développement personnel, Bien-être, Art de vivre

Nettoyer des plages du sud, replanter des arbres dans le désert du Maroc, sauver les baleines dans les Océans… Le voyage promet d’être exotique, l’action spectaculaire. On y pense tous, parfois, sans pour autant passer à l’acte. Tant mieux. Car quand on y réfléchit, il y a déjà tant à faire chez nous. Dans nos maisons, nos jardins, nos rues… Balayer devant sa porte, traiter nos problèmes locaux avant de parcourir le monde pour s’intéresser à ceux plus éloignés. Une économie de temps, d’énergie, pour un réel gain d’efficacité.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, lentement mais sûrement, un tourisme planétaire de masse s’est imposé, pour les populations des pays développés comme pour celles des pays émergents. Le voyage est devenu un acte romantique, une quête moderne de découverte culturelle et de positionnement social. Il est de bon ton de parcourir le monde, de le visiter maintenant qu’il est accessible, de s’ouvrir à d’autres manières de vivre pour s’en inspirer et grandir. Même si, dans la réalité, une large majorité des touristes traversent la moitié de la planète pour prendre des vacances dans des endroits privilégiés où ils exigent de retrouver leurs habitudes quotidiennes, en mieux, dans un cadre familier. De préférence au bord de la mer ou d’une immense piscine exotique. Le résultat de ce grand brassage perpétuel est davantage une uniformisation de nos modes de vie qu’un véritable enrichissement par la variété et la différence. Si ce processus a le mérite de répartir (un peu) les richesses, son prix écologique est désastreux. À tel point que certains spécialistes estiment que la fin des excès dus au tourisme international suffirait à résoudre nos problèmes de réchauffement climatique.

Intéressante théorie, à méditer, mais ce paragraphe d’introduction ne mène pas là.

Cette vision romantique du voyage a des effets sur notre rapport à la nature.

J’ai souvent envisagé de traverser la France pour aller nettoyer les plages de l’Atlantique. D’aller participer à une opération de replantation d’arbres dans le désert pour lutter contre l’avancée des sables. D’embarquer à bord d’un des navires de Sea Sheperd pour aller protéger les baleines dans l’Antarctique.

Récemment, une amie proche, écoanxieuse, elle aussi, me disait à juste titre qu’avant d’aller sauver ces bouts du monde (en contribuant grandement à la pollution pour s’y rendre), nous devions tous commencer par balayer devant nos portes.

Être actif, localement.

Dans nos maisons, nos jardins, nos rues, nos quartiers, nos villes…

Où il y a déjà tant à faire que le choix peut s’avérer difficile. Personne ne peut tout entreprendre de front, c’est une évidence. Chacun d’entre nous doit trouver sa voie, ses combats, sa propre manière d’être actif et utile à la cause. Pour y parvenir, il faut chercher, essayer, tester.

Mes principaux chevaux de bataille ? Le respect de la vie animale sous toutes ses formes, la limitation à l’extrême du poids de mon véhicule, de la taille de mon habitat, le non-consumérisme et la décroissance, la reconnexion à la nature, sans oublier bien sûr l’écriture de ces chroniques et de romans abordant ces sujets. D’autres renoncent à prendre l’avion, deviennent végétariens, font une croix sur leur passion pour les sports mécaniques, s’installent dans des maisons autonomes, se nourrissent des fruits de leur potager, nettoient les forêts, organisent des manifestations de sensibilisation à la cause écologique…

Mon amie a ses propres combats, concrets, pointus, parfois originaux.

Deux exemples.

Dans son studio de banlieue parisienne, elle récupère les eaux froides et tièdes qui précèdent l’arrivée de l’eau chaude dans son évier, une manne qu’elle utilise pour l’arrosage et le ménage. Elle raconte continuer à être stupéfaite par la vitesse à laquelle le bidon se remplit, et par les économies inhérentes dans sa consommation d’eau. Elle a mené dans sa ville une campagne de sensibilisation à la maltraitance des végétaux sur la voie publique en faisant le tour des restaurateurs pour les inciter à rester attentifs à la qualité de l’eau qu’ils vident à leur pied pour les arroser. Patiemment, les uns après les autres, elle leur a expliqué que, parfois, leur bonne volonté écologique se révélait contre-productive, de nombreux produits (eau javellisée, de cuisson, de ménage) ayant des effets catastrophiques sur la santé des arbres, des plantes et des fleurs, même quand ces produits sont largement dilués dans de l’eau. Elle raconte avoir été touchée par leurs réactions positives, par la sincère générosité de leur engagement. Ils étaient inconscients, au sens étymologique du terme, et avide de compléments d’information pour mieux faire. Ce qu’elle s’est efforcée de leur apporter, en veillant, selon ses propres mots, à ne jamais se poser en donneuse de leçons, à se contenter de passer de l’information sans prosélytisme ni sensation de supériorité.

Trouver sa voie, la suivre, agir autour de chez soi, dans son quotidien, partager son savoir et ses expériences… Une démarche qui ne suffira peut-être pas à sauver le monde, mais qui participera concrètement à améliorer notre situation globale tout en soignant notre moral. Ce qui est déjà considérable.

 

Pierre-Yves Touzot

 

Pierre-Yves Touzot est réalisateur, romancier et blogueur. Dans ses romans, il invite ses lecteurs à s’interroger sur leur rapport à l’environnement, à se reconnecter à la Nature, une étape indispensable pour lui vers la résolution de nos problèmes écologiques. Depuis plusieurs années, il construit à travers son blog une médiathèque de romans, d’essais, de bandes dessinées, de films, de documentaires, tous consacrés à cette thématique. Pour en savoir plus : www.ecopoetique.blogspot.com

Après le roman Presque libre, coup de cœur de la rédaction Happinez, publié aux éditions La Trace, Pierre-Yves a publié un nouveau roman en mai 2023, également coup de cœur de la rédaction, Mon dernier concert

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