Article

Tout est imparfait… L’art subtil de s’en foutre… Rencontre avec Mark Manson

Catégorie(s) : À la une, À découvrir, Rencontres, Psychologie, Développement personnel, Bien-être, Art de vivre

Dans son best-seller intitulé L’Art subtil de s’en foutre, tout comme dans son dernier ouvrage paru en janvier 2020, Tout est foutu, Mark Manson envisage le monde à partir de cinq principes essentiels. L’auteur, à l’époque en quarantaine à New York, nous a accordé une interview sur Skype. Nous avons pu lui demander comment appliquer ces principes aujourd’hui, en ces temps particulièrement troublés.
Extrait de Happinez 55 – oser
Texte Liddie Austin

Il annonce qu’il s’est réveillé il y a une demi-heure. Effectivement, Mark Manson a l’air fatigué. Il est installé devant son ordinateur portable, dans une pièce de son appartement new-yorkais où l’on ne distingue qu’un canapé, une chaise et deux tables. Son café vient d’une bouteille isotherme. Normalement, aujourd’hui, il devrait être en Europe, mais le coronavirus a contrarié ses plans. En 2016, il a publié L’Art subtil de s’en foutre : Un guide à contre-courant pour être soi-même (Eyrolles, 2017, pour la traduction française), se présentant alors comme le gourou du “développement personnel négatif”.
« Oui, autrement dit, celui qui dit ce que les gens ne veulent pas entendre, s’amuse-t-il. Le terme “développement personnel négatif” sonne bien, mais, en fait, il serait plus exact de parler de “développement personnel pessimiste”. J’interprète le mot “pessimiste” à la manière des philosophes : je ne considère pas que tout finira mal, mais simplement qu’en substance, tout est imparfait, et que nous devons faire avec. »

1. Les gens sont c*ns. Essayez de l’être un peu moins
Il ne s’agit pas d’un jugement moral, même si un tel jugement serait sans doute pertinent. Ce que j’entends par là, c’est que notre constitution psychologique est loin d’être parfaite. Nos capacités sont très médiocres, notamment notre aptitude à retenir l’information, à la traiter de manière rationnelle, et à l’analyser. Comme la partie émotionnelle de notre cerveau l’emporte sur sa partie rationnelle, nous nous cramponnons à des raisonnements et à des préjugés qui nous arrangent, mais qui, d’un point de vue objectif, ne correspondent pas nécessairement à la réalité. De même, nous avons fortement tendance à être convaincus du bien-fondé de nos sentiments. En conséquence, nous commettons continuellement des erreurs. Dès que nous en avons l’occasion, nous choisissons le raccourci le plus facile. Notre cerveau est ainsi fait : il cherche à économiser son énergie, autant que faire se peut. Le problème est qu’actuellement nos capacités de résistance sont devenues très faibles. Jamais auparavant dans le monde occidental les marchandises n’ont été si bon marché et si facilement accessibles. On pourrait naturellement s’en réjouir, mais il ne faut pas oublier que cela représente également une lourde charge. Nous devons prendre d’innombrables décisions superflues, auxquelles nos ancêtres n’avaient jamais été confrontés. Même s’il est très tentant de se préoccuper exclusivement de son bien-être personnel, pour toutes sortes de raisons, ce n’est pas souhaitable. Car, lorsque les sources de plaisir viennent à faire défaut, comme c’est le cas aujourd’hui, vous risquez d’être complètement désemparé si vous n’avez jamais appris à gérer l’adversité. Si la totalité de vos besoins personnels sont comblés en permanence, cela vous fragilisera, sans parler du fait que votre entourage vous trouvera moins agréable. Tout le monde gagne à ce que vos actions ne servent peut-être pas directement vos intérêts personnels, mais plutôt un dessein qui vous dépasse. Par exemple, à l’ère du coronavirus : prendre soin d’un proche malade, soutenir financièrement une personne dans le besoin. Peut-être que de telles actions ne sont pas particulièrement amusantes. Mais elles procurent néanmoins un sentiment de satisfaction, car elles sont porteuses de sens.

2. La douleur est inévitable ; la souffrance est facultative
La douleur fait partie intégrante de l’existence, il est impossible de l’éliminer définitivement. Une vie exempte de douleur, cela n’existe pas ! Cependant, nous sommes libres de choisir comment nous y réagissons. Pour commencer, il est utile de réaliser que la douleur peut apporter du bon : ainsi, les leçons que nous avons apprises dans la douleur nous marquent plus durablement que celles qui nous ont été servies sur un plateau d’argent. La croissance est indissociable de la douleur ; il est satisfaisant de se donner de la peine pour obtenir quelque chose. Une vie réussie ne consiste pas à éviter la douleur, mais plutôt à souffrir pour de bonnes raisons. Il est judicieux de déterminer ce qui compte réellement à vos yeux, et de lâcher prise sur le reste. On peut penser que c’est simple ; or, cela n’a jamais été aussi difficile.
J’ai eu maintes fois l’occasion de constater que les gens acceptent assez facilement cette idée. En revanche, lorsqu’ils sont confrontés à la douleur pour de bon, les choses se compliquent. Il existe de nombreux moyens d’éviter subtilement la douleur. Souvent, nous y recourons sans même en être conscients. Quand j’avais une vingtaine d’années, je me suis passionné pour le bouddhisme. J’ai donc appris que la douleur fait partie intégrante de l’existence, et j’ai accepté cet état de fait. Mais ce n’est qu’à la trentaine que j’ai pu ressentir réellement ce que cela signifiait. Quand j’avais entre 20 et 30 ans, je passais le plus clair de mon temps à fuir la douleur. Je voyageais beaucoup, je multipliais les relations éphémères, j’écumais les soirées. J’étais convaincu de mener la vie que je voulais, et qu’une telle vie me rendrait heureux. Mais au bout de quelque temps, j’ai réalisé que le bonheur n’était pas au rendez-vous. Une grande partie de ce que je fais aujourd’hui est la conséquence de mes désillusions d’alors : j’essayais d’éviter ma douleur, mais cela ne fonctionnait pas. Quand j’ai commencé à publier un blog à ce sujet, j’ai pu découvrir que je n’étais pas le seul à connaître la déception et la frustration d’avoir obtenu tout ce que j’avais pu désirer, sans me sentir heureux pour autant. Ce n’est que plus tard que j’ai compris la cause de mon désarroi : ma vie d’alors était dépourvue de sens. La solution consiste à accorder moins d’importance aux choses qui n’en valent pas la peine, et à se focaliser sur ce qui compte vraiment : par exemple, des relations humaines profondes et satisfaisantes.
Je ne vais pas vous donner ici de conseils généraux quant aux moyens d’appréhender la douleur, qui surviendra immanquablement dans votre vie. Nous avons chacun notre propre manière d’essayer d’y échapper, nous sommes tous confrontés à des douleurs que nous cherchons à éviter. Je pense cependant que l’introspection, la conscience de soi constituent un bon début.

Retrouvez l’intégralité de l’article dans Happinez 55 – oser